Art et critiques postcoloniales au temps du confinement

Marie Preston, Anna Seiderer, Emma Vallejo, Marc Laffitte et Indira Colin

« Nous continuerons de défendre la place d’une approche ouverte, critique et tolérante, une transmission des savoirs fondée sur l’émancipation et la dignité, comme une contribution salutaire face à la violence et la haine . » Ainsi se terminait la tribune signée par environ deux mille chercheuses et chercheurs en réponse au « Manifeste des 100 » dénonçant la promotion des « idéologies indigéniste, racialiste et ‘décoloniale’ » nourrissant « une haine des ‘Blancs’ et de la France  » et soutenant les propos du Ministre de l’éducation alors en fonction Jean-Michel Blanquer sur ce qu’il appelait « l’islamo-gauchisme » (octobre 2020). C’est dans ce contexte, que nous commencions le cours dont nous élaborons le contenu, en dialogue, depuis 2018 à l’université Paris VIII au sein du département d’Arts plastiques. Nous l’avons nommé respectivement « Critiques postcoloniales dans le champ de l’art contemporain » et « Atelier – Pratiques postcoloniales dans le champ de l’art contemporain ». Depuis cinq ans, il a la particularité de réunir des étudiant·es qui souhaitent valider soit un cours de pratique soit de théorie. Ainsi nous réunissons deux groupes pour douze séances hebdomadaires de trois heures ou six séances de six heures en format d’atelier.

Nous souhaitons présenter ici le cours de pratique artistique donné par Marie Preston destiné à des étudiant·es de Licence 3 et de Master 1 EDAM (Écologie des arts et des médias) qui a eu lieu entre le 26 janvier et le 4 mai 2021. Après deux confinements en mars et en octobre 2020, nous étions à nouveau confiné·es en avril 2021. Or, dans l’enseignement supérieur, des dérogations étaient accordées pour les cours de pratiques artistiques sous réserve de limiter à une jauge de 50 %. Cela a permis de poursuivre l’enseignement pratique « en présence ». Nous avons donc donné, exceptionnellement deux cours distincts. Il nous paraissait néanmoins essentiel de trouver des manières de conserver le dialogue entre les étudiant·es et entre nos enseignements. Nous avons donc établi une correspondance.  M.P. et A.S.

Le présent texte a été co-écrit avec Emma Vallejo, Marc Laffitte, Indira Colin (alors étudiant·es). Nous l’avons organisé par entrées thématiques qui comprennent une « notice » et des liens vers des exemples. Ces entrées se répartissent en deux catégories, celles qui correspondent à un choix des contenus abordés : les foyers Sonacotra, le travail photographique de Pierre Trovel et la coopérative Somandiki Coura, le travail de Malcom Ferdinand sur l’écologie décoloniale, la collaboration artistique entre Clémence Delbart et Habib Ali Mohamed et celles qui relèvent des institutions structurantes du cours issues de la pédagogie institutionnelle : la correspondance, le plan et le journal de recherche, le travail en groupe. Nous espérons que ce texte permettra de rendre compte d’un processus pédagogique, intellectuel, réflexif et artistique permettant de construire une opinion sur les questions soulevées par les théories postcoloniales et par conséquent aussi sur celles qui agitaient et agitent toujours l’actualité.

Foyers Sonacotra

« En deux mots c’était quoi cette lutte des foyers Sonacotra ? Imaginez donc, 1974-1979, cinq ans, des travailleurs résidents de foyers… Les foyers, pour ceux qui ne savent pas, c’est une aberration française, le modèle type de l’habitat ségrégatif […] entre les zones industrielles et les voies ferrées pour mobiliser de la main d’œuvre […]. La Sonacotra était une société d’économie mixte, où l’État était majoritaire […], elle avait engagé dans un travail de construction pour loger les travailleurs, mais aussi avec un encadrement beaucoup plus fort, avec la présence de gérants que nous qualifions de racistes, parce que majoritairement issus de la coloniale, de l’Algérie et qui avaient pour fonction très précise de contrôler aussi les travailleurs qui étaient dans ces foyers . »

Marie Preston :  Dans le cadre d’un séminaire que je donnais en 2015 avec Gwenola Wagon « Comment faire d’une classe une œuvre d’art  », nous découvrions les affiches que les artistes, enseignant·es-chercheur·euses, Liliane Terrier et Jean-Louis Boissier avaient réalisées avec des étudiant·es de l’université de Vincennes pour contribuer à la lutte des foyers Sonacotra en 1974. Les habitants des foyers réclamaient la baisse des loyers, un droit de visite, de réunion et d’association à l’intérieur des foyers. Dès la deuxième séance du cours, je proposais aux étudiant·es, une introduction sur cette lutte de 1974-1979 qui permettait de relier l’histoire politique de notre université, l’engagement des artistes en son sein et l’histoire de l’immigration en Seine-Saint-Denis. Pour présenter les ateliers d’agit-prop mis en place à Vincennes, Liliane Terrier a réalisé un diaporama que je projetais aux étudiant·es ainsi qu’un extrait vidéo d’une prise de parole d’Assane Ba , un des représentants de ce mouvement, sur les conditions de vie dans les foyers.

Marc Laffitte : Le travail sur les foyers Sonacotra aura permis de mettre en lumière la précarité des conditions de vie des travailleurs immigrés — précarité toujours d’actualité — et leur solitude. Je ne peux pas m’empêcher de faire un lien avec le documentaire Les bicots-nègres, vos voisins , réalisé par Med Hondo et sorti en 1974, quand il pointe du doigt la « misère relationnelle » qui frappe ces travailleurs immigrés et leur manque d’intimé ou de relations charnelles, coincés pour certains loin de leurs familles, et rejetés de partout.

Journal d’une étudiante : « La travail artistique des étudiants et enseignants de l’Université expérimentale pour la grève des foyers Sonacotra est hyper intéressant et encourageant car il donne une incroyable image de solidarité humaine entre les grévistes et les étudiants/enseignants, proposant leur aide pour réaliser des sérigraphies et des linogravures. C’est un travail et une lutte qui sont malheureusement toujours d’actualité et sans fin. Si la crise sanitaire n’était pas là, j’aurais bien aimé réaliser ce type de rassemblement et d’atelier pour s’entraider et partager des idées créatives. »

Courrier du 9 mars : « J’ai enregistré mon père. Je lui ai posé des questions sur l’art postcolonial, il ne se sentait pas légitime d’en parler n’ayant jamais abordé ou réfléchi à la question. Il m’a parlé de la relation qu’il avait au musée au Sénégal. Que lui avait commencé à s’y intéresser à partir du moment où il est arrivé en France. Mais la partie qui m’a le plus intéressé c’est à partir du moment où je lui ai montré une photo d’un foyer Sonacotra. Il a commencé à me décrire et m’expliquer la vie dans un foyer. J’ai découvert une partie de sa vie qui m’était jusqu’alors inconnue. » Elle décida de travailler artistiquement à partir du témoignage de ce dernier.

Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

Courrier du 23 février : « C’était une matinée glaciale de janvier lorsque nous avons visité le bâtiment colossal appelé Archives Départementales de la Seine-Saint-Denis. »

M.L. : Une visite aux archives départementales de la Seine-Saint-Denis nous permit de mettre en lien le statut des banlieues, les clichés véhiculés sur celles-ci et l’histoire de leur développement. Reconsidérer ces lieux comme d’anciens centres industriels nécessitant un apport de main d’œuvre bon marché, explique la présence de nombreuses populations d’origines immigrées. De la même manière, leur découvrir un passif d’habitats précaires et de bidonvilles explique la présence encore actuelle des foyers, cités et HLM comme logements de substitution. Ces connaissances permettent de mettre en lumière l’inertie politique relative à ces questions. Nous pouvons les relier à la déconsidération et à l’instrumentalisation toujours actuelles des travailleurs immigrés, incarnées notamment dans le maintien de conditions de vie précaires. Les archives, et ces fragments d’histoires invisibilisées, permettent de se rendre compte qu’au fond rien n’a tant changé, et que dominent encore les absences de perspectives, les parcages et la déshumanisation. Cependant, les photographies de Pierre Trovel  que nous découvrons lors de cette visite, nous présentent une autre image : de la joie, du collectif, de l’organisation politique, des photos collées sur les murs des chambres et des souvenirs, et des vies qui s’étalent dans les foyers, dans tous les sens du terme. Ici aussi, le travailleur immigré n’est pas un travailleur immigré, mais avant tout un être humain.

M.P. : Aux archives départementales de la Seine-Saint-Denis, nous allons voir l’exposition consacrée à Pierre Trovel, photographe pour le journal Humanité entre 1975 et 2010 qui a documenté la vie dans des foyers notamment à Saint-Denis en 1979. Ses archives photographiques personnelles sont conservées à Bobigny depuis 2015. Il est présent et nous fait lui-même la visite.

Emma Vallejo : Nous faisons la rencontre d’un archiviste qui nous raconte la formation des archives. Avant la création des archives comme lieu, le roi se déplaçait avec ses documents, ces derniers prouvant son identité. Par peur qu’elles soient volées, qu’elles disparaissent, le lieu « archives » est créé pour les conserver. Des archives sont des lieux dédiés aux « preuves ». En 1789, les archives royales sont ouvertes à l’ensemble de la population, en 1790, les archives départementales sont créées. L’archiviste insiste sur la nécessité objective d’une archive. Elles doivent être fiables. Les archives écrites le seraient plus que la vidéo et la prise de son, souvent synonymes, et qui jouiraient d’un « point de vue », donc secondaires, moins fiables.

Coopérative Somankidi Coura

M.P. : Suite à la présentation de l’histoire des foyers de travailleurs, je présentais le travail artistique de Raphaël Grisey et Bouba Touré autour de la coopérative agricole Somankidi Coura. Cette dernière est créée en 1977 par un groupe d’anciens travailleurs immigrés en France. Tout d’abord nous avons regardé des extraits du film de Raphaël Grisey Coopérative .

E.V. : Le film de Raphaël Grisey, monté en double écran, permet de juxtaposer plusieurs questionnements, réalités, images d’archives qui travaillent ensemble. Cette coopérative, c’est Somankidi Coura : village créé par Bouba Touré et treize autres au bord d’un fleuve au Sénégal, une coopérative agricole auto-organisée le long du fleuve Sénégal. À un moment, pendant le film, une des personnes membres de la coopérative se met en colère parce qu’on a voulu détruire les termitières. Elles semblaient poser problème pour la terre agricole, mais l’homme est formel : il faut casser la termitière jusqu’à un certain niveau mais lui laisser de la marge pour qu’elle se reconstruise. Pas besoin de la détruire totalement. J’ai pensé que c’était un exemple concret de collaboration, de voisinage.

M.P. : Nous visionnons également le film Bouba Touré, 58 rue Trousseau, Paris, France, tourné par ce dernier. Raphaël Grisey raconte : « Alors que je commence à monter mon film, tu t’achètes un caméscope et tu fais tes premières images en mouvement un matin dans ton appartement de la rue Trousseau en 2008. Le jour-même, tu m’offres la cassette, tu m’invites à la regarder et à en faire bon usage. Tu as filmé en un seul plan-séquence d’une heure ton appartement, les murs tapissés d’images en passant des posters des héros des indépendances, aux photos de la coopérative, aux lettres de ton père te demandant d’envoyer les mandats, à la description de ta vie parisienne, à une médiation sur ta pratique de photographe et à des commentaires sur la chasse aux étrangers qui venait de se produire en Afrique du Sud. Tu mets de la musique indienne pour accompagner des phrases que tu répètes, entre complaintes et chants de révolte. Ces phrases sont comme une respiration, qui te permet de rebondir sur une autre image qui parle, qui te parle . » Ce même jour, nous regardons le film Afrique 50  de René Vautier tourné au Niger et considéré comme le premier film anticolonialiste français.

Malcom Ferdinand

« La tempête écologique en cours met au jour des dommages et problèmes associés à certaines manières d’habiter la Terre propres à la modernité. Comprendre ces problèmes requiert d’adopter une perspective de longue durée et de revenir sur des moments et processus fondateurs de cette modernité qui ont participé à cette situation écologique, sociale et politique aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle il est important de revenir sur ce moment fondateur que fut la colonisation européenne des Amériques dès 1492 . »

E.V. : L’atelier de Marie Preston et d’Anna Seiderer arrive après le cours de Marie Preston « Sphère publique. Coopération / écologie » qui visait à engager une réflexion pratique et théorique sur la coopération et l’écologie. L’écologie pensée comme une pratique artistique était donc déjà une question pour certain·es d’entre nous. La lecture de Malcom Ferdinand a permis de nous décentrer, pour repenser l’écologie en lien direct avec l’histoire coloniale de l’Europe. Pour Malcom Ferdinand en effet, ces deux notions, écologie et colonisation, sont intimement liées. Dans son livre Une Écologie décoloniale, il pose notamment comme décor et comme dispositif d’oppression « l’Habiter colonial ». L’Habitation coloniale est le dispositif architectural comprenant la plantation, les terres surexploitées en monoculture, les cases des esclaves et la maison du maître. Seul le maître habite, il est nommé « l’Habitant ». Ainsi, la colonisation des terres s’est faite conjointement à l’architecture et à la colonisation des corps. On retrouve abordée cette partition de l’espace dans le travail de Florence Lazar, artiste invitée dans le cadre des conférences du Master EDAM , notamment dans les films 125 hectares et Tu crois que la terre est chose morte. Dans le film 125 hectares, une agricultrice Martiniquaise, Véronique Montjean, qui se revendique de la « petite paysannerie », raconte les mouvements d’occupation de terres en friche, appartenant à des propriétaires, par un groupe d’agriculteur·ice·s à partir de 1983. Elle dit qu’on peut lire le dispositif colonial dans le paysage de la Martinique : les grandes plaines pour cultiver en gros (80 % des terres sont en monoculture de bananeraies) appartiennent à des propriétaires. Les petites unités de la petite paysannerie, elles, sans délimitations, n’ont pas la perspective de s’agrandir et pratiquent une agriculture qui tourne. Ces petites unités cultivent des plantes qui sont capables de résister aux conditions climatiques et géologiques de l’île : un volcan, des cyclones. Elles n’ont pas vocation à devenir pérennes. Elles ressemblent plus au jardin créole : ce jardin où sont associées volontairement différentes espèces de plantes. En créole, d’ailleurs, on ne parle pas de « jardin », mais d’alentours.

M.L. : Malcolm Ferdinand présente, pour reprendre ses mots, un « habiter colonial » qui joint ensemble processus politiques et écologiques de la colonisation : l’asservissement des hommes et des femmes, l’exploitation de la nature et des ressources comme projet colonial. L’agriculture coloniale, en effaçant les modes de culture endogènes, adaptées aux climats et spécificités des lieux, au profit de monocultures d’espèces vouées à l’exportation et à l’enrichissement d’une classe européenne dominante, participe à l’émergence de l’économie capitaliste. Ce projet colonial est porté par l’idéologie d’un développement linéaire de la civilisation qui place l’occident au sommet de la pyramide et justifie la conception des autres cultures comme primitives. Dans ce projet, l’autre y est légitimement déshumanisé, sa différence niée et il n’est plus considéré qu’en tant que force de travail. Comme le dit Malcolm Ferdinand, « Parallèlement à la standardisation de la terre en monocultures, cet habiter colonial efface l’autre, celui qui est différent et qui habite autrement  ». L’auteur propose ainsi une relecture du processus de colonisation et de l’émergence du capitalisme en mettant en lien la colonisation des terres, la colonisation des corps, la standardisation des terres et la standardisation des corps.

M.P. : La dimension coloniale de la crise écologique a également été travaillée grâce aux réflexions de Philippe Zourgane sur la « plante comme agent politique  », mais également au travail artistique de Sammy Baloji sur la chasse aux grands singes au Congo qui nous permit de réfléchir au contexte d’émergence des premiers parcs nationaux. L’historien Guillaume Blanc dans L’Invention du colonialisme vert , retrace la généalogie de la lutte contre le trafic mondial de la faune par la création des parcs nationaux. Cette instauration par les états coloniaux implique la monétarisation de ces pratiques par des permis de chasse, mais également le contrôle de l’accès aux ressources naturelles pour les populations locales distinguant le « bon chasseur » européen et le « mauvais » « africain [tuant] l’animal avec cruauté, au filet, à l’arc et à la lance  ». Pour l’auteur, ces pratiques se poursuivent grâce à l’appui de nouveaux cadres légaux. Nous regarderons par la suite le travail d’Otobong Nkanga développé autour d’une ancienne mine de malachites et d’azurites de Tsumeb en Namibie, celui de Lothar Baumgarten réalisé avec les Yanomani que nous étudions accompagné par les prises de position de Davi Kopenawa, porte-parole de ce peuple.

Clémence Delbart et Habib Ali Mohamed

Courrier, début mars : « La langue est un élément culturel central. Je remarque que beaucoup de personnes qui, comme moi sont issues de la génération « petits enfants d’immigrants » perdent cet héritage de la langue. Mes parents trouvaient qu’il était plus important que mon français soit impeccable plutôt que je sache parler arabe. N’est-ce pas là encore une forme de colonisation ? Comment peut-on témoigner de cette perte ? »

M.L. : Le travail de Clémence Delbart est inspirant à plusieurs niveaux, notamment dans le fait qu’elle œuvre pour une reconnaissance d’une personne au statut de migrant non pas en tant que migrant, mais en tant que personne.

M.P. : Clémence avait consacré son mémoire de Master 2 en 2019 à la question de l’identité et l’hybridité dans une perspective postcoloniale . Je l’invite à présenter le travail qu’elle mène alors avec Habib Ali Mohamed.

Une proposition est faite par un groupe à un autre du cours d’Anna par l’intermédiaire de la correspondance. « Devenir le drapeau. Il peut être singulier ou pluriel. Quel que soit son monochrome ou son multiple, peu importe comment il peut être colorisé. Tous les mots et formes peuvent figurer sur ce drapeau. Le drapeau flotte sur n’importe quelle rue, pays ou planète. Il peut crier ce qu’il veut. »

M.L. : Cette question de la reconnaissance de l’autre au travers de son identité, de sa singularité, plus que de son statut, me semble cruciale aujourd’hui dans le contexte de crise migratoire que l’on traverse, et l’œuvre qu’elle nous a présenté, a cette force de transformer une démarche administrative en démarche poétique, questionnant la valeur d’usage de l’art, en déplaçant la valeur esthétique de l’œuvre vers une valeur sociale. Il me semble que cette démarche est exemplaire, dans le sens qu’elle nous ouvre vers d’autres possibles en termes de reconnaissance de l’humanité, « des autres », à contre-sens des discours dominants sur le sujet. Un art en porosité avec le réel, et qui permet alors de transformer notre rapport au réel.

Journal d’une étudiante : « C’est précisément cette dissolution de l’identité, sa réduction à une couleur de peau qui m’a toujours fait peur, aujourd’hui encore. Car quand j’arrive à la face de l’Autre, je sais, je sens qu’il projette sur moi autre chose. Aussi, je suis toujours en décalage- même avec l’autre racisé·e. À 18 ans je me suis fait faire un tatouage dans le dos. Une suite de cercles le long de ma colonne vertébrale pour toujours me rappeler que je suis un corps, des globules et bactéries, un animal. »

Correspondance

« Avec le groupe Marc, Margaux, Indira, Lynn et Emma, on a réfléchi à la gestion du point de vue. L’archiviste qu’on a rencontré nous disait : « Pour les archives, pas de point de vue, ce qui compte, c’est la preuve ! » Oui, mais pourquoi une preuve plutôt qu’une autre ? Ça nous semblait rejoindre un peu les savoirs et connaissances pseudo-objectives de la science et les écrits des savoirs-situés de Donna Haraway. En gros, il n’y a pas d’histoire sans points de vue situés. Alors nous avons eu l’idée de se constituer des archives et d’aller à la recherche d’un fonds privé ! L’idée serait d’aller rencontrer des personnes et d’en constituer l’histoire à travers des archives personnelles.

On vous raconte plus très bientôt !!

Marc, Margaux, Lynn, Indira, Emma . »

M.P. : Dès 1926, l’éducateur Célestin Freinet inventait la « correspondance scolaire » en complément de l’imprimerie à l’école. Cette dernière permettait de motiver l’élève à écrire, « ils n’écrivaient plus pour eux-mêmes  » et de partager des expériences de manière individuelle et collective. Les premiers échanges eurent lieu avec une classe bretonne, de Trégunc. Aux lettres imprimées s’ajoutèrent vite des objets : des crêpes bretonnes arrivèrent aux élèves de Bar-sur-Loup dans le Var ; de l’huile et des olives traversèrent ensuite la France. Cela permettait également aux enseignant·e·s d’échanger sur leur pratique pédagogique.

Célestin Freinet écrit : « L’Imprimerie à l’Ecole c’est la bêche, outil déjà perfectionné et qui permet des réalisations enthousiasmantes. Mais la correspondance interscolaire c’est la semence qui devient herbe tendre et moisson blonde, et pour laquelle l’an prochain, et toutes les années à venir nous saurons, avec la même ferveur, consentir la fatigue et les sacrifices sans lesquels la graine lancée au vent ne saurait fructifier. C’est dans ce sens que nous affirmons toujours : la correspondance interscolaire est le complément indispensable de l’Imprimerie à l’Ecole. C’est elle qui lui accorde raison d’être et permanence, qui motive pédagogiquement, fonctionnellement, toute notre activité en lui apportant le sens social qui déborde la scolastique et hausse notre effort jusqu’à la compréhension et à l’efficience de l’humain . »

M.P. : Le confinement nous obligeant à séparer nos deux groupes, nous avions décidé avec Anna Seiderer de proposer aux étudiant·es d’établir une correspondance scolaire sur le contenu de nos cours respectifs ainsi que sur leurs recherches. Pour la mettre en place, nous nous sommes aidées d’outils proposés par la pédagogie institutionnelle, notamment « le contrat de correspondance » qui permet aux enseignant·es concerné·es d’organiser l’échange. Il y était mentionné les dates d’envoi des courriers, les modalités de rédaction, la non-confidentialité des courriers.

M.L. : Les échanges épistolaires ont souvent servi, dans un premier temps, de plateforme pour synthétiser les informations transmises lors des cours : les évènements marquants, les fragments d’archives qui ont résonné pour nous d’une manière toute particulière, certaines citations, celles qui « font sens ». Puis, doucement, les correspondances ont dérivé vers des formes plus libres, plus créatives, peut-être plus poétiques, par endroits. De lettres quasi-factuelles, il semble que les étudiants se sont réappropriés le médium pour transmettre des choses plus personnelles. Cela dit, les destinataires ayant changé à chaque échange de lettres, certaines questions adressées à l’autre groupe sont restées sans réponses. Privilégier des échanges plus restreints, entre deux groupes auraient permis d’approfondir certaines réflexions, ou de constituer un rapport peut-être plus intime autour des questions abordées.

M.P. : Nous avions proposé que les correspondances s’établissent entre les sous-groupes qui s’étaient constitués par ailleurs. La correspondance interclasse demande une grande rigueur car elle génère beaucoup d’attente. Or, durant le semestre, certains sous-groupes se sont modifiés, créant ainsi des difficultés dans l’identification des personnes à qui répondre. L’adresse qui se voulait au départ précisément identifiée, s’est finalement trouvée indéterminée. Les lettres étaient bien adressées à d’autres étudiant·e·s mais la continuité de l’échange impliquant des réponses à des questions, des références à un courrier antérieur n’était plus assurée. En fin de semestre, les lettres envoyées ont été mises en page par deux étudiantes Margaux Hopkins, Linh Nguyen et Hoang Khanh, imprimées à l’université et distribuées à tous·tes.

A.S. : Sans la pandémie, les groupes expérimentent les enjeux théoriques de la critique post- et décoloniale à partir de pratiques de recherches collectives. Cette année, la modalité de mon enseignement portait sur l’étude de textes fondateurs de ces courants critiques en les mettant en perspective avec des questions d’actualité.  L’enseignement théorique des Licence 3 et des étudiant·es de Master 1 ACSH (Arts contemporains et Sciences humaines) s’est structuré autour de l’étude de textes considérés comme précurseurs de la théorie postcoloniale avec Frantz Fanon, Aimé et Suzanne Césaire, Albert Memmi. Nous avons ensuite exploré la « French Théorie » et l’actualisation de la pensée foucaldienne et derridienne dans le champ critique étatsunien. Le renouvèlement de l’historiographie coloniale et celle de l’élite indienne postcoloniale étaient développés à partir du travail de Ranajit Guhat. Les « subaltern studies » ont ainsi constituées un autre volet du cours, développé ensuite avec les textes de Gayatri Spivak et de Dipesh Chakrabarty. Dans cette progression synchronique et diachronique des textes, nous avons aussi étudié les travaux d’Edward Saïd, de Valentin Mudimbe et d’Achille Mbembe. Aborder ces écrits dans ce dispositif collaboratif permettait de les lire sans perdre de vue leur adresse, en l’occurrence, celle des étudiant·es du groupe de Marie, parallèlement engagé dans des pratiques artistiques. Les correspondances ont constitué un élément central entre les deux groupes car elles ont permis de maintenir le lien avec d’autres étudiant·es dans un contexte d’isolement accru et de relier les enjeux théoriques à des expériences vécues dans la sphère privée. Il fut difficile d’ajuster le rythme des échanges aux thèmes traités en cours, mais cette immersion des camarades, dont on partageait les nouvelles en ouverture de cours, était un moment structurant. Il constituait un espace d’expression singulière et originale. Les échanges épistolaires ont permis de matérialiser et d’actualiser ces travaux théoriques, de les relier à nos appréhensions affectives singulières, renforcées par le confinement de nos espaces de travail, et de les en extraire, en leur confiant une temporalité nouvelle, anachronique. 

Ressources documentaires

M.P. : Une plateforme numérique « moodle » associée à l’université me permet de partager du contenu avec les étudiant·es. J’y dépose les diaporamas des cours, des extraits de textes cités, de la documentation sur des expositions, la correspondance interclasse et des articles relatifs à l’actualité. Les textes que les étudiant·es pouvaient y trouver, étaient extraits de : « Penser le postcolonial, une introduction critique » de Neil Lazarus , « La naissance de la végétation comme agent politique » de Philippe Zourgane , Une écologie décoloniale de Malcolm Ferdinand ainsi qu’un entretien avec l’auteur intitulé « Pour une écologie décoloniale » . Les étudiant·es avaient également accès à des extraits de Vivre avec le trouble de Donna Haraway , « Environnementalisme radical et préservation de la nature sauvage : une critique de la périphérie » de Ramachandra Guha , « L’esthétique des marais », d’Hicham-Stéphane Afeissa , de  « L’esthétique de la terre », de John Baird Callicott , de « L’anonymat d’auteur » Olivier Lugon , de « Archiver ce qui aurait pu avoir lieu, Walid Raad et les archives de l’Atlas Group » .

Des liens renvoyaient au travail et à des entretiens avec les artistes : Otobong Nkanga, Kapwani Kiwanga, Raphaël Grisey, Liliane Terrier, Jean-Louis Boissier et leurs étudiant·e·s, René Vautier, Chris Marker, Sammy Baloji. Ainsi qu’aux expositions : Memoria : Récits d’une autre Histoire (Frac Nouvelle-Aquitaine) et Tropicomania, La vie sociale des plantes (Bétonsalon).

Plan de travail et journal de recherche

M.P. : Au fil des années nous avons élaboré avec Anna un « plan de travail » que nous distribuons en début d’année aux étudiant·es. Il s’agit d’un outil de pédagogie institutionnelle hérité de la pédagogie Freinet. Il permet de connaître les attendues et les échéances pédagogiques de manière à rendre l’étudiant·e autonome dans le suivi, la réalisation et le rythme de son travail. Il sert également à réaliser une évaluation formative. Sur ce plan apparait la rédaction d’un journal. Il y est mentionné que ce dernier doit être constitué d’une page minimum par séance, qu’il doit être écrit à la première personne et comprendre des croquis, des notes, des extraits, des citations et des retours réflexifs et subjectifs. Ce journal se situe à mi-chemin entre un journal de terrain et un journal de recherche.

A.S. : Le journal de « terrain » est un outil qui accompagne, structure et réfléchit les processus engagés dans le cadre d’une recherche artistique et/ou anthropologique. Il cristallise des questions pratiques et théoriques, les alimente des références, de pensées, d’échanges hétérogènes et parfois a priori incohérents. Son écriture régulière esquisse des lignes de fuite et désordonne les prépositions.

M.P. : Nous demandons chaque année aux étudiant·es de prendre appui sur leur journal pour identifier leurs questions de recherche qu’elles soient artistiques ou théoriques. Les formes que prend le journal sont très diverses et correspondent à la manière dont chacun·e se saisit de cet objet personnel qui a vocation ensuite à être partagé.

Journal d’une étudiante : « Parce qu’ils/elles sont asiatiques de plus en plus de personnes dans le monde sont victimes de coups et de haine, parce qu’ils/elles sont asiatiques. Qu’est-ce que l’Asie ? Qui est l’Asie ? C’est quoi ce mot « asiatique » qui couvre tous les visages de haine et de préjugés ? Je n’ai jamais désiré être une fille « asiatique ». Je n’ai jamais désiré être une fille « chinoise ». Je voudrais juste être une personne, qui traverse les frontières sans jamais cesser. »

Travail en groupe

M.L. : La formation des groupes, d’abord par affinité, ont vite révélé une pluralité d’origines, nous permettant alors de croiser différentes perspectives vis-à-vis des questions décoloniales : certaines culturellement vécues en tant que colonisés, d’autres en tant que colons. Le croisement de ces points de vue est ce qui fait à mon sens la richesse de ce cours : comment ces pensées s’incarnent dans des histoires individuelles, comment les conditions de vie de certain·es étudiant·es se retrouvent affiliées à ces questions, comment la réalité des colonisations n’est pas juste une histoire balayée appartenant au passé, mais, au contraire, quelque chose d’à la fois réactualisé, et de formateur du présent.

En ce sens, les moments d’échanges entre les étudiant·es ont compté parmi les plus riches en tant qu’ils ont permis de mettre en lien des histoires personnelles et des réflexions s’incarnant dans des vécus singuliers. Si la diversité des projets plastiques illustre bien ce propos, c’est également le cas d’un atelier que nous avons proposé, Les Mots Avalés, sur le thème du rapport à la langue. La consigne, volontairement nébuleuse pour faciliter la réappropriation, était la suivante : « Rappeler les mots que vous avez avalés. Si vous voulez sortir les mots ou images que vous avez avalés, où allez-vous aller ? De quoi allez-vous parler ? Vous pouvez nous dire/écrire/dessiner les mots/images que vous avez avalés dans votre langue maternelle ou dans une autre langue. »

E.V. : Avec Lynn Hyeong, Margaux Hopkins, Indira Colin et Marc Laffitte nous avons décidé de penser la création d’une archive. Après la visite aux archives départementales, nous nous posions la question de ce qui constitue une archive. Archiver peut être un geste autoritaire. En effet, c’est décider de ce qu’il faut garder en mémoire au détriment d’autres histoires. Quand on pense aux histoires oubliées, invisibilisées, faites minoritaires par le geste même de l’archive, on comprend que l’archive joue un rôle fondamental dans la production de l’Histoire. Ce qui reste est ce qui a fait autorité, ce qui a été retenu. Produire d’autres formes d’archives qui ne seraient pas des archives, qui seraient des documents mouvants, devient alors un outil politique et critique. Lynn nous a parlé de Yeda Lee, une personne coréenne réfugiée en France après avoir refusé de faire son service militaire traditionnel en Corée. Son histoire nous déplace, du moins Indira, Marc et moi, qui sommes nées en France. Nous décidons d’aller à sa rencontre, il est partant pour nous recevoir chez lui. Plusieurs questions se posent d’emblée. Notamment sur notre place en tant que personnes cueilleur·euses de récit. Quelles questions poser ? Comment laisser de la place au récit de Yeda ? Il accepte qu’on le filme. Le film qui résulte de ce moment est un plan fixe de Yeda qui raconte son histoire, guidé par nos questions.  L’une des stratégies que nous avons trouvées était de nous laisser guider d’histoire en histoire au gré des personnes que nous rencontrions. À la manière d’un jeu de ficelle, où chaque participant·e s’insère dans une forme déjà donnée, progressivement une forme apparait. À un moment, Yeda nous a parlé d’Emmanuelle Gallienne, qui dirige l’association Kolone, auprès de laquelle il avait pris des cours de français à son arrivée. Nous l’avons contactée en lui parlant de notre projet. Comme nous étions en pleine pandémie, il nous était impossible de la rencontrer physiquement, mais elle a accepté de répondre à quelques questions par mail.

Indira Colin : Emmanuelle Gallienne est directrice et fondatrice de l’association Kolone, qui propose depuis 2011 des cours de français et des activités culturelles aux jeunes étranger·es nouvellement arrivé·es en France. Elle écrit notamment pour la revue Vacarme, des témoignages d’exilé·es . À la suite de nos échanges avec elle, nous avons décidé de réaliser une édition/fanzine pour mettre en avant son travail.

En parallèle, nous nous sommes intéressé·es à la survivance des foyers pour travailleurs immigrés. Lors d’une manifestation, Margaux est rentrée en contact avec les habitant·es d’un foyer en lutte, à deux doigts d’être « relogés » dans un nouveau foyer permettant un habitat individuel, mais excluant la présence des familles. Nous avons tenté de les interviewer, mais cela n’a pas été possible. Nous avons néanmoins décidé de nous faire « passeuses et passeurs » de leurs messages, revendications et indignations par la présentation de vidéos de manifestations ainsi que par des tracts .

M.P. : Au fil des séances, cinq groupes d’étudiant·e·s se sont constitués pour travailler ensemble. Une partie du cours consistait à les accompagner dans leur création artistique, leur intention et choix plastiques, leurs contraintes techniques, notamment autour de la question du documentaire, de la parole, de l’entretien, de l’image vidéographique. Un groupe décida de travailler sur les archives familiales de chacun·e d’elleux, iels appelleront leur groupe « Archives vivantes ». Une étudiante a travaillé avec ses sœurs en affirmant : « on aimerait savoir qui on est », une autre interroge son grand-père sur son départ de l’Algérie en 1962. Le groupe « Screenshot.jpg » suit le cours en visioconférence. L’une d’elleux travaillera sur la mémoire de la France occupée notamment en Alsace-Lorraine, un autre sur l’histoire (semi-fictionnelle) de son arrière-grand-mère espagnole. Tous deux travaillent sous forme épistolaire et l’hétérolingue. Le groupe « Désenchanté » a mené des entretiens avec des étudiant·es étranger·ères d’origine ivoirienne, algérienne sur leurs relations à leur origine, avec un chanteur de rue, Massala Gilbert, avec leurs proches, se demandant si « l’art a un rôle à jouer dans les nouvelles représentations des anciennes colonies françaises ? ». Iels ont réalisé le film Transmission. Le groupe des étudiant·es co-auteur·ices de ce texte, travaille de proche en proche au fil des rencontres entre vidéo, performance, textes et collage. Des étudiant·e·s finalisent seul·e·s leur proposition plastique : une vidéo Replay Chris Marker sur la disparition d’une zone humide à Taiwan inspirée du film de Chris Marker La Jetée ; une vidéo à partir de photos prises en Terre de feu par des colons anglais des Selknams. L’étudiante qui l’a réalisé, écrit dans un courrier : « Je suis née au Chili, un pays long et lointain pour moi, dans lequel réside la moitié de mon corps. Au Chili, il y a eu plusieurs périodes de colonisation et d’impérialisme qui ont attaqué et continue d’attaquer les peuples indigènes. […] Les attaques qui ont été faites contre nos peuples indigènes, contre nos racines, génèrent en moi une grande remise en question de mon identité en tant qu’être vivant, où la subjectivité en tant qu’être, en tant qu’indigène, en tant qu’indigène, en tant qu’indigène, en tant qu’indigène. »

A.S. : Les outils empruntés à la pédagogie institutionnelle qui structurent ce cours de manière générique depuis sa première itération en 2018-2019, se sont avérés particulièrement féconds dans ce contexte d’incertitude et d’isolement de la pandémie. L’échange épistolaire proposé par Marie Preston a donné sens aux différents formats d’enseignements des deux groupes. Il a tissé des liens qui s’inscrivaient dans une autre temporalité que celles des connexions virtuelles éphémères et des recherches en groupes restreints. Les enseignements, les doutes, les affects ont trouvé une adresse au sens propre et au sens figuré.

M.P. : À Saint-Denis, quasiment seul·e·s dans l’université, muni·e·s de leurs autorisations de déplacement, nous nous sommes retrouvé·es chaque semaine. L’ordinateur de la salle de cours allumé et connecté pour celleux qui ne pouvaient ou ne souhaitaient pas se déplacer, nous découvrions les cours « hybrides ». Mal équipés pour y faire face, les étudiant·e·s derrière leur écran entendaient tant bien que mal ce qui se déroulait « en présence ». Mais malgré ces difficultés, le cours s’est achevé par une exposition précédée d’une présentation de l’édition des correspondances. Les deux groupes furent réunis pour l’occasion. Ce cours s’est poursuivi à deux reprises encore en 2022, puis en 2023. Alors que nous commencions le premier dans une salle occupée l’année précédente par des réfugiées sans-papiers, nous achevons aujourd’hui en prise avec le mouvement social contestant la réforme de retraite. Mais ce témoignage montre que ce n’est pas seulement avec l’actualité, le contexte social et écologique que ces recherches résonnent mais bien avec les histoires intimes de chacun·e, en particulier dans l’Université-Monde qui fait la richesse de l’université Paris VIII.